Notes

[1] Formations
À côté des nombreux ateliers «pop-up» qui sont proposés un peu partout et visant le plus souvent à la réalisation d’une carte en relief, les formations plus ambitieuses sont rares.
La plus ancienne est le « workshop pop-up » animé depuis 2004 par Nadia Corazzini et Anne Goy à l’Atelier du Livre de Mariemont, à Morlanwelz, en Belgique.
Depuis que l’Institut du pop-up (Philippe UG et Michel Ferrier) a cessé ses activités en 2015, la seule véritable formation française, à notre connaissance, est le stage « Livres pop-up, techniques et savoir-faire » organisé par Coupe-papier et animé par Camille Baladi et Arnaud Roi (les créateurs de Up Up Up).


[2] La Movable Book Society (MBS, association américaine créée par Ann Montanaro en 1993) décerne tous les deux ans, depuis 1998, son « Meggendorfer Prize » au meilleur livre animé publié, au meilleur livre animé d’artiste et à un artiste ingénieur papier émergeant.


[3] A to Z : Marvels in Paper Engineering
> Relire notre commentaire


[4] Intervisual a été un studio américain très important du deuxième âge d’or des livres animés.


[5] The New Riding School
>
Relire notre commentaire de cette édition, publié en novembre 2016 dans un « spécial imports. »


[6] Pop-up et électronique
> Relire notre article sur livresanimes.com
> Document PDF du concept de Jie Qi


[7] Patrick Lecoq apporte des précisions sur une évolution technologique des livres sonores : « Les premiers étaient accompagnés d’un disque 45 tours glissé à l’intérieur de la couverture. Mais sans tourne-disque, impossible d’écouter les rondes enfantines…
L’arrivée des puces alimentées par des piles boutons apporta un confort immédiatement ludique mais elles étaient enchâssées dans la couverture des ouvrages sans possibilité de les remplacer. Une fois les piles épuisées, le livre perdait beaucoup de son attrait.
Enfin arrivèrent les piles-boutons changeables logées sur la troisième ou quatrième de couverture dans un petit compartiment à clapet vissé puis de vraies piles classiques, moins onéreuses. »


[8] > Cette publicité pop-up de Toyota est une production de Structural Graphics (créateur de publicités en trois dimensions depuis 1976) d’après une conception de Saatchi&Saatchi LA, et créée par Shin Wakabayashi. Notons que c’est la première fois qu’une publicité aussi sophistiquée (pop-up et électronique) est ajoutée à 50.000 exemplaires pour les abonnés d’un magazine (InStyle).


[9] > Entomologie Origamique
Sheffield International Artist’s Book Prize en 2015 et deuxième Meggendorfer Prize pour un livre d’artiste en 2016.

 
     

Quel avenir pour les livres animés ?

Cette approche sur l’avenir des livres animés est une synthèse de notre sondage effectué par mail et via notre page Facebook auprès des éditeurs, créateurs et amateurs. Elle ne se veut pas exhaustive et pourra s’étoffer de vos avis, réactions, expériences (à envoyer à l’adresse de contact du site livresanimes.com).


Les livres animés n’ont d’avenir que s’il y a des acteurs pour les créer, les fabriquer, les diffuser et un public (ou des publics) pour les acheter !


 

La création

 
   
 
 
 

Photo : Patrick Lecoq / Livresanimes.com

Jean-Charles Trebbi, architecte et designer papier, auteur de nombreux ouvrages sur l’art du pli et l’art du pop-up, constate que « la grande force actuelle des livres animés en France est que les designers papier ou ingénieurs papier sont issus de formations très diverses [1], au contraire des pays anglo-saxons, et cela apporte une fertilité incomparable !
Le problème n’est donc, bien sûr, pas la création, même s’il y a relativement peu d’ingénieurs papier dans le monde. J’avais tenté en 2012 un recensement mondial d’ingénieurs connus, hors ceux intégrés dans des studios de création, et cela donnait environ soixante-dix personnes, avec une majorité d’hommes et quinze femmes, en fait je pense moins d’une centaine au total. »

Depuis, il semble qu’il y ait de plus en plus de femmes qui s’intéressent à l’art du pop-up. Shawn Sheehy, le nouveau président de la Movable Book Society [2] l’atteste dans une interview récente, suite à la publication du A to Z : Marvels in Paper Engineering, destiné à promouvoir les jeunes designers papier : dix-huit des vingt-six lettres regroupées dans ce coffret anniversaire [3] sont l’œuvre de jeunes femmes.

Jean-Charles Trebbi estime également qu’ « il y a peu de techniques réellement innovantes. La plupart des créations utilisent des procédés ou techniques mis au point par les pionniers des livres animés, Nister, Meggendorfer, Tuck, et des développements réalisés par les ingénieurs d’Intervisual [4], puis par Kubašta, ou des techniques inspirées par les recherches de Josef Albers au Bauhaus sur les études des formes entre plis et découpes et aussi par Masahiro Chatani, et sa démarche d’“origamic architecture”. »

Ces dernières années, les innovations les plus remarquées furent certains déploiements dans Strega Nona de Robert Sabuda et dans Transformers de Matthew Reinhart, que ces auteurs ont d’ailleurs repris dans d’autres ouvrages plus récents.

 
 
 
 

Photo : Patrick Lecoq / Livresanimes.com

Les sujets des livres animés

Des thèmes très différents ont déjà été abordés en livres animés et ont débouché, par exemple, sur des documentaires pour la jeunesse, la magie, les cauchemars, l’érotisme…
Actuellement, les livres animés servent beaucoup de produits dérivés à l’univers d’une marque (ex. Hermès pop-up), d’un super héros de comics (ex. Superman, Spiderman), d’un ou plusieurs films (Paddington, Disney, Pixar), d’une série (Harry Potter, Game of Thrones, Walking Dead) ou autour du patrimoine (Paris pop-up, Londres pop-up, Les phares pop-up, etc.).

Graziella Albanèse, collectionneuse et collaboratrice de livresanimes.com, précise que « ce n’est pas nouveau, plusieurs films Disney avaient déjà été l’objet de livres animés par l’artiste tchèque Vojtech Kubašta et même dès les années trente, en particulier les “Hop - La !” d’Hachette, tant ceux d’avant la guerre que ceux sortis après, les premiers en pop-up, les seconds avec des animations. »

L’adaptation d’histoires ou de contes classiques (ex. contes de Charles Perrault) reste également un filon récurrent mais vite épuisé, tant il est parfois difficile de se renouveler après de nombreuses propositions sur le même sujet (si la version d’Alice au Pays des Merveilles de Robert Sabuda est devenu une référence, Graziella Albanèse fait remarquer que si l’artiste a effectivement magnifié ce conte, il a aussi pioché dans les interprétations précédentes, notamment l’envolée des cartes).
Les créations anciennes pouvaient se permettre des mécanismes plus complexes, des impressions enrichies (flocages, holoprisme, etc.) et une pagination étoffée car les coûts de fabrication étaient moindres.


Philippe UG, l’auteur français de livres animés le plus invité et exposé en France et à l’étranger, a un avis assez critique : « Le livre animé, s’il est une création originale intégrant dessin, volume et narration sans tomber dans les travers de la papeterie, aura sans doute quelque avenir. En s’affranchissant de sa particularité d’être un livre à “EFFET” pop-up, il se doit avant tout d’être un bon livre.
S’il continue à n’exister que comme un produit dérivé d’autres formes artistiques, design, architecture ou autre classique de littérature enfantine, franchise de personnage célèbre, alors il restera un art mineur, bon à ranger au rayon des porte-clés, mugs et autres assiettes décorées. »

Daniel Mar, artiste du papier et collaborateur de livresanimes.com, insiste également « sur la nécessité de privilégier le récit et de considérer la conception de livres animés autrement que la simple exploitation d’un actuel mais temporaire filon. »

Les enjeux des créateurs et des éditeurs sont de concevoir et publier de bons livres, utiles, dans lesquels le volume, la technique d’animation utilisée n’est pas qu’un effet, un bonus, mais bien un troisième langage au même titre que le texte et l’image.



Le cas particulier des rééditions

Dans les années 1980 à 1990, les rééditions servent essentiellement à reproduire des ouvrages des pionniers du livre animé comme ceux de l’artiste allemand Lothar Meggendorfer (ex. Le grand Cirque International, J F. Schreiber 1887 > 07/1996 chez Albin Michel), d’Ernest Nister, de l’éditeur allemand J.F. Schreiber (ex. The Children Theatre de Franz Bonn, 1878 > Penguin Books 1978) ou de l’Américain Harold Lentz (ex. The pop-up Puss in-Boots, 1934 > Applewood Books 1995).
La plupart des ouvrages de cette période ont été remis en forme par Intervisual
[4] sauf les Meggendorfer réédités par Schreiber.

 
    
 

Photo : Thierry Desnoues / Livresanimes.com

Depuis quelques années, Albatros Media (le plus gros éditeur tchèque) et B4U Publishing rééditent plusieurs ouvrages de Vojtěch Kubašta et Rudolf Lukeš, des artistes d’Artia (l’ancienne maison d’édition tchécoslovaque d’État) dont nous aimons beaucoup le travail. Malheureusement pour les puristes, ces rééditions sont actualisées : elles exploitent les illustrations et les animations mais sans conserver les textes originaux, ni l’humour des titres, ni le type de papier. La démarche n’est donc pas de proposer des fac-similés. Le catalogue « Vintage » de B4U Publishing (responsable des coéditions à l’international) est de plus en plus étoffé chaque année, preuve de leur volonté de développer cette offre pour des publics sensibles à une illustration certes datée (c’est une tendance actuelle) mais qui conserve un charme indéniable.

 
 

 
  
 

Fac-similé de De Nieuwe Rijschool , Een Beweegbaar Prenteboek, Kees Moerbeek, Aernout Borms, Theo Gielen. B.-K. Producties, 2016.
Photo : T. Desnoues / Livresanimes.com


À notre connaissance, la réédition la plus remarquable de ces dernières années est, sans aucun doute, celle du premier livre animé hollandais, De Nieuwe Rijschool (= La nouvelle école d’équitation) (1856) [5] à l’initiative du célèbre ingénieur papier Kees Moerbeek et du collectionneur Aernout Borms pour rendre hommage à Theo Gielen, historien hollandais des livres animés. On notera toutefois que la qualité de reproduction exceptionnelle de ce fac-similé, sa présentation dans un coffret en bois complété d’un livre présentant l’étude de l’ouvrage, son tirage limité à 100 exemplaires et donc son coût élevé (350 €) le destinaient principalement aux collectionneurs.

Un autre cas de figure, plus rare, est celui d’ouvrages récents (fin des années 1990), notamment du célèbre ingénieur papier Robert Sabuda, qui ont été réédités dans des versions anniversaires parfois enrichies d’un nouveau pop-up et d’encres métallisées (ex. The Christmas Alphabet 1994 > 2004 et 2015, ABC Disney 1998 > 2009).

Les rééditions restent néanmoins un secteur plutôt marginal qui a son intérêt dans la transmission du patrimoine éditorial. Si certains éditeurs tentent de le développer en ciblant un public plus large que les collectionneurs, seul l’avenir nous dira si l’offre s’étoffera, en souhaitant que ce ne soit pas par manque d’imagination.

 
 



La fabrication

 
   
 

Jean-Charles Trebbi rappelle les évolutions dans les lieux de fabrication des livres animés : « Hormis les publications de Kubasta fabriquées par Artia en Tchécoslovaquie jusqu’en 1987, les publications d’Hallmark et d’Intervisual étaient façonnées dans les années 1970/80 en Colombie et un peu en Équateur. Puis les lieux de production ont migré dans les années 1990 vers l’Asie, la Thaïlande et maintenant vers Hong-Kong, Singapour et la Chine qui représente la plus grosse production.
La fabrication est chère et les coûts de main-d’œuvre vont en s’accroissant. Actuellement, je constate que les éditeurs tentent une diminution des coûts en mutualisant et en pratiquant des éditions multilingues, dès lors que le texte est minoritaire au regard des animations.

Pour l’avenir, je vois deux tendances :
- soit la production dans des pays à moindre coût de main-d’œuvre, mais quels autres pays [ou continent] pourraient prendre à terme la relève ? L’Inde ? L’Afrique ? Car imaginer un système d’industrialisation ne me paraît pas viable.
En effet, un livre animé demande un nombre important de pièces qu’il faut découper après impression, mais là n’est pas le problème. Les outils industriels permettent des formes de découpes plus sophistiquées avec le laser.
Le vrai problème est l’assemblage, parfois complexe, car il ne peut être réalisé que manuellement. Certains livres demandent un nombre considérable de points de collage. On peut imaginer robotiser cette intervention, mais cela est encore bien trop coûteux.

- soit la production de livres animés à grand nombre d’exemplaires va décroître considérablement et on reviendra à des livres d’artiste à petits tirages, comme cela était le cas, par exemple, avec les livres d’UG, ou bien des livres animés plus simples avec des animations basiques réalisables facilement en France ou en Europe car issues des techniques de fabrication de cartes pop-up de type “greetings cards”.
Parfois, de beaux projets ne voient pas le jour uniquement à cause des coûts de fabrication qui peuvent sembler prohibitifs, mais ce sont des livres qui demandent à la fois beaucoup de préparation en amont et sont très mangeurs de temps pour le calage et l’assemblage. »

Voici le pronostic d’Olivier Charbonnel, designer papier français auteur de nombreux livres animés et jouets en papier : « la production de pop-ups va se marquer en deux tendances, le livre cher et le livre pas cher. Les prix médians vont avoir plus de mal à exister. Il restera le mass market [= marché de masse] et le beau livre. » Il précise qu’il peut se tromper comme il n’aurait jamais pu prévoir il y a plusieurs années que l’on viendrait « lui commander des livres et que la production française serait magnifique. »

Elena Selena, jeune auteure de livres animés, partage une idée semblable avec « d’un côté des livres animés … de plus en plus complexes, proches des décorations ou des jouets » et d’un autre côté, des livres qui tendront vers un « minimalisme total et la recherche de systèmes et effets visuels plus simples et efficaces. »

Pour Gérard Lo Monaco, auteur et designer papier, l’avenir du livre animé « est assez compromis si les ingénieurs papier-créateurs, les éditeurs, les fabricants et le public n’évoluent pas.
Les fabricants ont augmenté leur prix de fabrication considérablement ces dernières années, ce qui rend compliqué, voire impossible, de faire des livres sophistiqués, quelque peu spectaculaires, sans joindre au tirage la recherche de coéditeurs, et encore moins à l’initiative de l’éditeur principal, sans l’aide de partenaires.
Pour pouvoir continuer à proposer des livres pop-ups, les créateurs, illustrateurs et ingénieurs papier devront simplifier le plus possible les projets, concevoir les animations avec le moins de points de colle, de montages complexes et contrôler que le temps passé au montage soit réduit.
La recherche d’un prix de fabrication peu élevé est nécéssaire pour les éditeurs, en France par exemple, car c’est en partie les éditeurs des pays qui souhaiteraient coéditer, ou acquérir les droits, qui n’achètent pas à un prix supérieur à quelques euros l’exemplaire.  
Les éditeurs pourraient rechercher des imprimeurs-façonniers qui offrent des prix de fabrication concurrençant les grands imprimeurs qui détiennent une part importante du marché, mais la Chine ayant les usines les mieux équipées et détenant le savoir faire, il n’y a pas, pratiquement, de possibilité d’une offre meilleure en Europe.
Les éditeurs s’efforcent de publier de bons livres animés. Les illustrateurs sont créatifs et novateurs en France et les lecteurs disposés à acheter des livres pop-ups. Les conditions semblent donc réunies pour continuer à publier, mais les imprimeurs-façonniers ont beaucoup augmenté leurs prix, conséquence d’une main d’œuvre mieux rémunérée et de la hausse du prix du papier. Cela est un frein sérieux au développement des pop-ups.
Réajuster et valoriser le prix public de ces livres serait une bonne solution. Les pop-ups sont affligés d’un prix sous évalué, calé sur le prix des albums classiques. Il s’agirait ainsi de revaloriser la création, amortir les coûts de fabrication et de mieux rémunérer les auteurs, illustrateurs et ingénieurs papier. »

Mathide Bourgon, auteure de plusieurs livres animés d’artiste et d’éditeur, a « l’impression que l’avenir de la publication des livres animés, à compte d’éditeur, est pour la première fois vraiment menacé, cela étant dû au coût de la main-d’œuvre en Chine qui a fortement augmenté, ce qui oblige les maisons d’édition à coéditer les livres avec l’étranger. »
Tout en précisant ne pas « avoir toutes les cartes en main », elle « croit que les [éditeurs des] autres pays ne sont pas prêts à avancer autant d’argent qu’en France dans le livre en général...
Les solutions seraient de trouver une main d’œuvre toujours moins chère, ce qui pose des problèmes éthiques à mon sens, ou de vendre les livres plus chers en librairie et de sensibiliser le public au fait que ce sont des livres montés à la main et donc plus précieux...
Du côté des auteurs, nous pourrions réaliser des livres moins complexes, avec des pop-ups très simples, mais cela pourrait porter atteinte à notre création. Nous devons déjà aujourd’hui intégrer la dimension économique quand nous réalisons nos livres (pas plus de six doubles pages, diminuer les points de colle...).
Cependant, je trouve que les livres animés ont été très prolifiques et créatifs ces dernières années...
Restent aussi les livres animés d’artiste, qui nous permettront toujours de faire exister ce type d’ouvrage sous toutes ces formes, avec une totale liberté ! »

Sylvain Fournié de la Martinie, enseignant et collaborateur de livresanimes.com, note que « les progrès de l’édition ont permis de fabriquer des ouvrages de plus en plus complexes avec une certaine fragilité ; ce ne sont après tout que des squelettes de papier. Les livres sont aussi plus beaux avec plein d’effets typographiques, de gaufrage et d’embossage. Cela a donné des idées à certains et beaucoup de nouveaux ingénieurs papier ont émergé. La technique a rendu possible beaucoup de choses inimaginables il y a quarante ans avec comme contrecoup, une certaine overdose à voir tant de pop-ups sur les rayons. Les éditeurs exploitent ce filon et utilisent de plus en plus de licences du cinéma ciblant par-là même des adultes avec des livres assez onéreux. […]
Comme le progrès ne s’arrête jamais, je verrais bien de plus en plus de créations hybrides : pourquoi ne pas incorporer davantage de microélectronique dans des pop-ups pour des effets lumineux, sonores (chants, musiques, récits parlés)... synonymes de plus d’interactivité ?
Les créateurs de pop-ups auraient tout intérêt à privilégier le récit accompagnateur, la technique ne faisant pas tout. Une vraie histoire qui stimule l’imagination avec des structures en pop-up la magnifiant, cela reste en mémoire, se partage et se transmet. L’avenir du pop-up passe par des créations originales et de l’innovation. »

 
     
     
  Il y a eu en 2010 les recherches de Jie Qi, une jeune chercheuse de l’université de Columbia, avec un laboratoire du MIT (Massachusetts Institute of Technology) près de Boston sur un livre pop-up enrichi de capteurs, semi-conducteurs souples et diodes [6].

Nous avons quelques exemples en tête de livres pop-ups avec des effets lumineux originaux (ex. le logo lumineux de Batman dans DC Superheroes en 2010 de Matthew Reinhart ou du même auteur, les sabres lasers lumineux dans Star Wars La galaxie en 3D en 2007), avec des sons (Birdscapes: A Pop-Up Celebration of Bird Songs in Stereo Sounds de Miyoko Chu, Cornel Lab of Ornithology, Julia Hargreaves, en 2008) [7], mais ce sont tous des ouvrages qui ont déjà plusieurs années.

La technologie de puces à toucher pour déclencher un enregistrement est pourtant bien exploitée depuis 2006 (ex. Bon anniversaire, Pénélope ! d’Anne Gutman et Georg Hallensleben, Gallimard Jeunesse).

Benoit Marchon, collectionneur et collaborateur de livresanimes.com, note qu’une publicité pour Toyota réalisée en 2018 [8] est un bel exemple d’intégration de la technologie dans un pop-up.

Avec le coût de la main-d’œuvre qui augmente en Asie, les éditeurs sont en effet contraints de limiter leurs frais en rognant sur le nombre de doubles pages, en recherchant des coéditions, en éditant parfois des éditions multilingues ou sans texte.
Il reste néanmoins un créneau pour des ouvrages complexes mais dont le coût de fabrication implique ensuite un prix public dépassant les 40 €
(ex. Harry Potter Le grand livre pop-up de Poudlard, de Matthew Reinhart, Gallimard Jeunesse, 70 € ; L’étrange Noël de Mr Jack, de Matthew Reinhart, Huginn&Muninn, 44,95 € ; Beyond the sixth extinction de Shawn Sheehy et Jordi Solana, Candlewick Studio, 65 $ US). 


Les livres d’artistes
 
   
    
 

Coll. Patrick Lecoq. Photo : Patrick Lecoq / Livresanimes.com


Avec les livres d’artistes, tout est permis ou presque.
Les limites en termes de création ou de réalisation technique sont avant tout celles du créateur qui sera aussi le plus souvent celui qui imprime (ex. en sérigraphie), façonne et monte l’ouvrage.
L’artiste est souvent un autodidacte qui explore les techniques des livres à système pour étoffer sa démarche artistique avec un troisième langage, le volume.

Ces projets « hors normes » nécessitent souvent un important investissement en temps et probablement un grain de folie douce, celle qui « déplace les montagnes ».
Par exemple, Philippe UG a réalisé vingt-sept passages en sérigraphie pour Power Pop (2002), son premier livre d’artiste grand format (et plus encore pour Cinq et Morse, deux livres animés de commande).
Autre exemple avec Entomologie Origamique de Damien Prud’homme, entièrement blanc et découpé à la main, au scalpel, et qui a nécessité pour chacun des dix ouvrages entre trente et quarante heures de travail. Cette création remarquable a été distinguée plusieurs fois [9].

Ceci dit, la tendance actuelle est plutôt à l’économie de moyens, et les projets complexes et de grands formats sont plus rares mais toujours suivis avec attention (ex. Ufologie des éditions À Mort, 2017). Quand la fabrication nécessite un temps de main-d’œuvre important, le montage des ouvrages est souvent réalisé après la commande.

Les artistes ont de plus en plus recours au financement participatif car c’est un bon moyen de sonder l’intérêt du public pour leur projet et de payer une partie de la fabrication du livre (ex. Struwwelpeter and More Morbid Pop-Up Tales de Marianne R. Petit et The Pop Up Art Book de Poposition ont été lancés sur Kickstarter).
Mais comme pour tout, il faut un bon projet et une communication bien préparée qui trouve son public, sinon la déception peut être au bout du chemin.

Les artistes sûrs de leur projet pourront le réaliser à compte d’auteur. Ils écouleront ensuite leur stock, plus ou moins rapidement, selon leur notoriété, la qualité de leur ouvrage et du réseau de libraires spécialisés en charge de la diffusion.

Quelquefois, un livre d’artiste peut avoir une deuxième vie, notamment quand il est repéré par un éditeur qui souhaite le publier en vue d’un large public. Des modifications seront probablement apportées pour des raisons techniques, de coût ou parfois même éditoriales (choix des papiers, impression en offset plutôt que sérigraphie, texte imprimé en repiquage pour les coéditions, réduction du nombre de points de colle, nouveau titre, textes revus en fonction du lectorat visé).
Avec les coéditions, la notoriété du créateur pourra dépasser les frontières nationales. On peut citer l’exemple de Marion Bataille avec Op-up (2006), son livre d’artiste repéré par Albin Michel qui le publiera sous le titre ABC3D en 2008 et dont on connaît le succès international. L’artiste a obtenu en 2010 le Meggendorfer Prize décerné par la MBS, preuve de la reconnaissance des spécialistes, artistes et collectionneurs membres de cette association. [2]

 
     
     
  L’intérêt des publics  
   
 

La curiosité et l’intérêt des publics sont bien là et même, s’étoffent.

Mathilde Bourgon le dit elle-même : « Autre point positif, les enfants et adultes restent très sensibles aux livres animés, malgré notre ère du tout numérique. Je suis parfois touchée de voir les enfants, fortement habitués aux “images qui bougent” via la télévision, les jeux vidéo, s’émerveiller lorsqu’on déploie les pages d’un livre pop-up. Quant aux adultes, ils vont de plus en plus vers ce type de livre ; or le livre animé n’est aujourd’hui publié qu’en jeunesse. J’espère qu’un jour, il trouvera aussi sa place dans les rayons adultes. »

Patrick Lecoq, collectionneur et collaborateur de livresanimes.com, affirme que « par expérience, le livre animé n’intéresse pas du tout les adolescents. Seuls, les enfants et les adultes sont sensibles à sa magie et ce sont les adultes qui collectionnent... »

Jean-Marc Saveltz, professeur des écoles, fait cette remarque : « Quand on lit un livre animé, on est obligé d’avoir des gestes lents et délicats. Si on va vite, soit on passe à côté d’animations, soit on l’abîme. Cela va à l’opposé du cent à l’heure qu’on pratique constamment et a quelque chose de reposant et de relaxant. C’est peut-être pour cette raison que ça ne peut pas convenir aux adolescents. »

Sylvain Fournié de la Martinie écrit : « Le pessimisme, je le vois dans les écoles où j’enseigne, auprès d’adolescents davantage captés par des images en perpétuel mouvement. L’optimisme, je le vois auprès de jeunes élèves aux yeux écarquillés devant ces déploiements de papier. »

Jean-Charles Trebbi écrit que « l’intérêt ne faiblit pas, loin s’en faut et à chaque salon ou présentation, le public redécouvre les livres animés et la notion de livre pop-up qui, curieusement, n’est pas aussi connue ! […] Il est fort probable que les générations futures apprécieront d’une manière différente les tendances aux “livres à réalité augmentée”, qui correspondront mieux peut-être aux attentes des “enfants du numérique”, mais cela n’enlèvera rien et n’apportera jamais au lecteur le charme des livres anciens et le plaisir de la manipulation des animations et la texture du papier. » Si le coût d’un livre en réalité augmentée est « du même ordre ou supérieur à celui d’un livre pop-up classique, alors cela ne change pas la donne. »

Daniel Mar constate : « De plus en plus d’expositions temporaires voient le jour à l’initiative de passionnés, de médiathèques, de centres d’interprétation du livre, de musées… et ces évènements connaissent le plus souvent un vif succès auprès d’un très large public. » Et il se met à rêver d’un « musée d’ampleur nationale qui reste à créer, dans un lieu emblématique ou non, et qui serait entièrement consacré aux livres animés. »

Pour Patrick Lecoq, « l’avenir du pop-up restera dans le tactile, sa force est d’être une sculpture de papier. On peut lire un livre sur un écran, mais on ne peut pas plier un écran. On pourra mettre des mini-écrans flexibles au sein des pop-ups dans un avenir proche, ce sera la revanche du pop-up sur le numérique ! »

Les livres animés peuvent tirer leur épingle du jeu du fait qu’ils sont des livres à part, qui demandent une interaction avec le lecteur, différente des offres animées sur tablette. Leur réalité physique est nécessaire. C’est à la fois une force (ils ne vont pas être remplacés par un programme) et une contrainte car cela implique une préparation et une fabrication spécifiques, complexes, plus longues et donc plus coûteuses.

Thierry Desnoues

 
   
  Thierry Desnoues remercie chaleureusement toutes les personnes (citées ou non) qui ont contribué à cet article en apportant leur avis ainsi que les relecteurs : Graziella Albanèse, Guylain Desnoues, Sylvain Fournié de la Martinie, Patrick Lecoq, Benoit Marchon et Jean-Marc Saveltz.

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